Ebc17

résumés / abstracts

Bénédicte Coste, " 'Détruire dit-elle' : Lee Miller, photographe de guerre"
Dominique Vinet
, "Le désir et la mort dans Night Train de Martin Amis"
Brigitte Malinas-Vaugien, "Mort symbolique, mort littérale dans The Paper Men de William Golding"
Mathilde La Cassagnère, " 'Estuary of the Dead' : l'imaginaire de la mort dans la poésie de Ted Hughes"
Vanessa Guignery
, " 'My Wife ... Died' : une mort en pointillé dans Flaubert's Parrot de J. Barnes"
Jean-Michel Ganteau, "Death and Melodrama : expressivité et représentation de l'émotion chez P. Ackroyd, L. de Besnières et D. Lodge"
Paul Veyret, "Anamnèse et amnésie : mort de la mémoire et mémoires d'un mort dans la fiction de Kazuo Ishiguro"
Didier Girard, "Anatomie des corps morts : le cadavre plus ou moins exquis chez Will Self"
Christian Gutleben, "A mourir de rire : la mort dans Porterhouse Blue de Tom Sharpe"
Catherine Miquel, " 'Immortal longings' : la mort en représentation dans l'oeuvre de Graham Swift"
Sylvie Mikowski, "Parodie, dérision et distance dans Ripley Bogle de Robert McLiam Wilson"
Nicolas Léorat, "La mort dans Quartet in Autumn et A Few Green Leaves de Barbara Pym ou le tragique quand même"
Gérard Siary, "La japonisation de l'Angleterre dans The Remains of the Day de Kazuo Ishiguro"

"Détruire, dit-elle": Lee Miller, photographe de guerre

Bénédicte Coste

En ne montrant que les symboles de la destruction, les photos de Lee Miller prises au cours de la Deuxième Guerre mondiale construisent une esthétique de l'esquive qui vise à nier la mort. La guerre devient prétexte à une réflexion sur la culture qui, si elle en désigne le refoulé, s'avère incapable de le figurer autrement que de façon métonymique ou métaphorique.

Lee Miller, war photographer.

By only showing symbols of destruction Lee Miller's WW2 photographs belong to an aesthetic realm where death is negated. War becomes the pretext for a reflection about culture which falls short of depicting what it represses. Her prints can thus be seen as metaphors or metonymies of death.


Le désir et la mort dans Night Train de Martin Amis

Dominique Vinet

Le suicide de Jennifer est un cri, une "information" comme le dit Amis dans une œuvre antérieure. Seule Mike, la narratrice, personnage chandlerien et caricature de héros de mélodrame, dont Jennifer est l'antithèse, peut déconstruire le processus de fictionalisation utilisé par Jennifer pour déguiser son suicide en crime. L'illusion, la dramaturgie, sont les masques du "Paradise Syndrome." Aux antipodes de l'enfer ordinaire, dont Amis accentue la trivialité obsessionnelle, qui est le quotidien de Mike et que symbolise le train de nuit, la narratrice découvre un autre enfer, celui de la beauté et du bonheur. II n'y a pas de paradis sans désir, pas de désir sans manque, semble nous dire Amis, mais le désir mène à l'enfer, au déni de soi et à l'autodestruction. Une façon de revisiter le roman noir.

Death and desire in Martin Amis' Night Train.

 Jennifer's suicide is a cry, a piece of information as Amis puts in a previous novel. Only Mike, the female narrator (a cross between a Chandlerian hero and a melodramatic caricature and the opposite of Jennifer) can deconstruct the process of fictionalisation used by the young lady to disguise her suicide as a murder. Illusion and dramatisation are masks for the "Paradise Syndrome." Light-years away from the trivial hell of her daily life, the obsessive quality of which Amis emphasises, Mike discovers another hell, that of beauty and happiness. There is no paradise without desire, no desire without a sense of lack, Amis suggests, but desire leads to hell, self-denial and self-destruction. That is his way to revisit the "roman noir."


Mort symbolique, mort littérale dans The Paper Men de William Golding

Brigitte Malinas-Vaugien

The Paper Men, publié en 1984, un an après l'attribution contestée du prix Nobel à son auteur, William Golding, est un roman dans lequel le rapport de forces qui s'établit entre les figures emblématiques de l'auteur et du critique se construit sur le rapport corps/corpus. Dans ce récit qui met en scène la relation ambiguë d'un écrivain et d'un critique littéraire se pose ainsi, en filigrane, la question de la mort symbolique de l'auteur. Par cette stratégie qui met en parallèle l'écriture du corps et celle du texte, William Golding tente d'apporter une réponse ancrée dans la littéralité à la question du statut de l'auteur par rapport à son oeuvre, à la critique et au lecteur, trinité incontournable. Bien que marqué par le burlesque et l'auto-dérision, ce roman se prête aussi à une réflexion sur le travail de la création en tant que mise en scène de la mort.

Symbolical and metafictional death in The Paper Men by William Golding.

The Paper Men, a novel published in 1984 just a year after its author William Golding was awarded a controversial Nobel Prize for Literature, deals with the power struggle between the emblematic figures of the author and the critic in terms of a relationship between the body and the corpus. Thus the novel discreetly raises the question of the symbolical death of the author as suggested by Barthes. By the means of a strategic parallelism between the writing of the body and that of the text, William Golding attempts to bring forth a literal answer to the status of authorship in relation to the critic and to the reader. This study reveals that the novel is also focused on the relationship between the creative process and death using the literary conventions of farce and self-derision.


"Estuary of the dead" : l'imaginaire de la mort dans la poésie de Ted Hughes

Mathilde La Cassagnère

Se référant à cinq poèmes des années 60, cette étude décrit le texte de Ted Hughes comme lieu où un sujet tente, par la parole, d'approcher le réel indicible et "inassimilable" de la mort, en une démarche qui s'apparente à celle du chaman, et qui a pour objet de maîtriser un redoutable "ça voir." Le poème travaille ainsi à rendre la mort dicible et, plus encore, à la rendre désirable en transformant son image, par les jeux du signifiant et les fondus enchaînés des métaphores, en une figure maternelle, celle d'une mort-mère. C'est cette parole du désir qui s'entend, au coeur même de l'angoisse, à l'écoute de la "Cadence."

"Estuary of the dead": the imaginary of death in Ted Hughes's poetry

From a reading of five poems of the sixties, this essay describes Ted Hughes's text as the place where a subject attempts, through speech, to approach the unspeakable and "unassimilable" reality of death, in a strategy akin to the shaman's which aims at mastering a formidable "ça voir." The poem thus strives to make death utterable, and even more, to make it desirable, by turning its image, through plays on the signifier and metaphorical fade-ins, into a mother figure, that of a mother-death. It is this discourse of desire which can be heard, in the very heart of anxiety, as one listens to the "Cadenza."


"My wife ... died" : une mort en pointillé dans Flaubert's Parrot de Julian Barnes

Vanessa Guignery

Dans Flaubert's Parrot, la mort de l'épouse du narrateur, révélée d'emblée, est ensuite esquivée ou suggérée sur un mode oblique. Les louvoiements de l'énonciation et les silences qui trouent le discours reflètent la difficulté de Geoffrey Braithwaite à aborder un sujet traumatique. L'analyse portera sur les stratégies d'inscription et d'évitement simultanés de la mort inadmissible et permettra de s'interroger sur le statut d'un narrateur qui oscille entre rétention et confession.

"My wife ... died": death by suggestion in Flaubert's Parrot by Julian Barnes.


Death and Melodrama : expressivité et représentation de l'émotion chez P. Ackroyd, L. de Besnières et D. Lodge

Jean-Michel Ganteau


Anamnèse et amnésie : mort de la mémoire et mémoires d'un mort dans la fiction de Kazuo Ishiguro

Paul Veyret

Il y a quelque chose de pourri au royaume de Kazuo Ishiguro. Les narrateurs de ses romans utilisent l'ambiguïté du récit à la première personne pour dissimuler des blessures passées. Ce sont toujours des êtres de l'ombre, de la marge qui s'expriment d'une façon apparemment neutre : dans les failles de ce discours on perçoit une inquiétude qui va au delà de l'anecdote diégétique. En rapprochant la fiction d'Ishiguro des écrits de Maurice Blanchot, mais également de l'oeuvre du cinéaste japonais Yazujiro Ozu, cette étude tente de montrer l'importance esthétique de la mort de la mémoire.

Dead Narrator Talking: Remembering and Disremembering in Kazuo Ishiguro's Fiction

There's something rotten in Kazuo Ishiguro's state. The narrators use the ambiguity of the first person narrative to hide secret wounds from a secret past. Those narrators speak from the shadowy margins of the text and tell their own tales in an apparently neutral voice: yet, the flaws of these narratives betray a form of anxiety running deeper than the mere anecdotes of the diegesis. This study, by relating Ishiguro's work to the writings of Maurice Blanchot or the films of Japanese director Yazujiro Ozu, tries to demonstrate the aesthetic value of the death of memory.


Anatomie des corps morts: le cadavre plus ou moins exquis chez Will Self

Didier  Girard

 Cette communication, dont le champ d'investigation regroupe les cinq oeuvres de fiction publiées à ce jour par l'auteur anglais Will Self (trois recueils de textes ou de nouvelles : The Quantity Theory of Insanity, Cock and Bull et Grey Area, et deux romans : My Idea of Fun, A Cautionary Tale et Great Apes) est avant tout une lecture bouddhiste de l'oeuvre de Self et du passage de vie à trépas.

 Au delà du questionnement général sur le rôle de la présence des cadavres dans la diégèse, la question sera de mettre en évidence les phénomènes littéraires dont s'accompagne l'apparition de ces personnages-cadavres dans les textes. À quelle représentation de la mort donne-t-elle naissance, à quelles images (oniriques, pornographiques, anatomiques, etc.) et dans quel ordre ? Le genre même du cadavre exquis, sous son angle surréaliste, permettra enfin de reconsidérer le rapport qu'entretient l'auteur avec la narration, voire avec l'acte artistique.

The Anatomy of Dead Bodies or, the More or Less Exquisite Corpses of Will Self

This paper, which deals with Will Self’s five works of fiction published so far – three books of short stories and two novels – is first and foremost a Buddhist reading of Self's work and of the passage from life to death or vice-versa. Beyond the general investigation into the role of the diegetic presence of dead bodies, the point is to highlight the literary phenomena accompanying the appearance of living-dead characters in the texts. What kind of representation of death does it lead to? To what purpose? What series of images (dreamlike, pornographic or anatomic) are conjured up? The very literary genre of the exquisite corpse, as seen by the surrealists, will finally lead us to consider the singular link that the author establishes between himself and narration, furthermore between himself and the artistic gesture.


À mourir de rire : la mort dans Porterhouse Blue de Tom Sharpe

Christian Gutleben

 Cette communication se propose d'étudier les relations entre la mort et le comique dans le cadre générique de la farce de Tom Sharpe. Quelles sont les strategies romanesques mises en oeuvre pour réussir ce grand écart entre thématique et tonalité, événements diégétiques et effets de lecture? Bien sûr, la mort comique a une longue histoire en littérature, mais ce qui semble unique et stimulant dans Porterhouse Blue c'est l'importance et le position narrative des personnages sacrifiés. Quels sont les mécanismes qui se mettent en place lorsqu'un roman fait disparaître ses héros sympathiques pour faire rire le lecteur?

 Dead funny executions: death and laughter in Tom Sharpe's Porterhouse Blue

This article sets out to analyse the relationships between death and laughter within the generic framework of Tom Sharpe's farce. What kind of novelistic strategies are being used to achieve this impressive discrepancy between the themes and the tone, the diegetic events and the hermeneutic effects? Admittedly, comic deaths can be found throughout the history of literature, but what seems unique and stimulating in Porterhouse Blue is the narrative importance and position of the executed characters. What devices are set up when a novel sacrifices its benign heroes to make the reader laugh?

  


"Immortal Longings" : la mort en représentation dans l'oeuvre de Graham Swift

Catherine Miquel

Dans les romans de Graham Swift, qu'un journaliste a plaisamment surnommé "the terminal novelist," la mort est soumise à un traitement ambigu : elle y est sans cesse mise en représentation, mise en scène, tout en étant par ailleurs conjurée et bannie, littéralement passée sous silence. Cette étude s'attache en particulier aux modalités et à la fonction de cette mise en spectacle de la mort, aux problèmes que pose la narration, par un narrateur homodiégétique, de son propre suicide, ainsi qu'à l'utilisation par Swift de l'aposiopèse, figure-clé des stratégies d'évitement de la mort.

"Immortal Longings": the staging of death in Graham Swift's fiction

Graham Swift has jokingly been dubbed "the terminal novelist" and indeed in many of his novels death is omnipresent, and subjected to an ambiguous treatment. On the one hand characters fear death and scrupulously avoid mentioning it, on the other hand they treat it histrionically, turning even their own suicides into a show. This study attempts to analyse how and why death is thus dramatised, and deals for example with the specific problem, for a novelist, of having a first-person narrator narrate his own death to the bitter end. It also looks into the strategies of superstitious avoidance, among which Swift favours a diversified and subtle use of a figure of speech which allows characters to "become silent" in the face of death: aposiopesis.

  


Parodie, dérision et distance dans Ripley Bogle de Robert McLiam Wilson  

Sylvie Mikowski

  


La mort dans Quartet in Autumn et A Few Green Leaves de Barbara Pym ou le tragique quand même

Nicolas Léorat

  


Féal, fidèle, Modal Stevens-san : forme, fonction, enjeu de la japonisation de l'Angleterre dans The Remains of the Day d'Ishiguro

Gérard Siary

Qu'y a-t-il de japonais dans The Remains of the Day ? Sur la seule base des origines japonaises de Kazuo Ishiguro, certains critiques ont lu son roman comme une vision nippone de la Grande-Bretagne. L'auteur a dénié toute influence du Japon sur l'écriture de son roman et même toute connaissance sérieuse de ce pays. Mais Stevens ressemble aux héros nippons âgés des deux romans précédents d'Ishiguro et doit, comme eux, affronter les générations suivantes et rendre compte de ses erreurs pendant la seconde guerre. Cet indice peut aider à relire The Remains of the Day. La japonité de Stevens repose sur un narcissisme de rôle, son être ne fait qu'un avec sa fonction. Son service est dune nature parfaitement féodale, il ne peut aimer vraiment que son maître au point de sacrifier l'amour de Mme Benn. Sa dignité de majordome trouve son expression dans la dignité du paysage de la Grande-Bretagne, lequel reflète le grand empire du Japon, Daï Nippon. Après avoir reconnu son erreur, Stevens s'engage pleinement au service de son nouveau maître américain, tout comme les Japonais, après la guerre, se convertirent pleinement aux valeurs de leurs nouveaux maîtres américains. Le point de vue de Kazuo Ishiguro sur l'Angleterre n'est pas incompatible avec sa vision du Japon dans ses oeuvres précédentes : brouillage des stéréotypes culturels et nationaux et mise en perspective géo­politique de questions existentielles au delà des particularismes.

 Loyal, faithful, feudal Stevens-san: Japanized Britain in Ishiguro's The Remains of the Day