(réf.  Etudes Britanniques Contemporaines n° 3. Montpellier: Presses universitaires de Montpellier, 1994)

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Les ombres dans les poèmes de Philip Larkin

Joanny Moulin (Univeristé de Bordeaux 3)

 

Dans son approche des choses, les poèmes de Larkin rencontrent leurs ombres, celles des choses aussi bien que celles des mots. Sa profession d'écrire en conservateur s'y trouve mise à l'épreuve, au risque de ne préserver des choses que leur ombre illusoire. Et dans cette lutte, c'est la voix du poète, voire le poète lui-même, dont la matérialité se voit mise en jeu. Ce qui pouvait passer de prime abord pour des valeurs inébranlables, "home", "solitude", en vient à ne trouver parfois de définition que dans leurs contraires. Ce qui s'annonce comme objet de désir finit par se trouver en butte à la détestation. Cela, tant et si bien que Larkin poète parait devoir s'y dédoubler en une face diurne et une face nocturne. Il n'est pas jusqu'à son matérialisme qui ne trouve son contraire dans ses poèmes, au point même que c'est à n'en pas douter dans les zones d'ombre de sa conscience du monde que naquirent ses plus belles pièces.

 Nocturnes, ou la duperie des apparences

La lecture des poèmes de Larkin ne dément pas à l'évidence la conception de la poésie qu'il affirme. En apparence au moins, il s'agit bien là d'une écriture où les mots veulent rapporter les choses : "I write about experiences, often quite simple, everyday experiences which somehow acquire some sort of special meaning for me(1) ." Sa propre conviction, au moins autant que le ton et l'aspect de ses poèmes, conspire à faire considérer ses écrits comme des reportages factuels. "There's not much to say about my work. When you've read a poem, that's it, it's all quite clear what it means (2).

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1. LARKIN, Philip. "Speaking of Writing XM: Philip Larkin." The Times, février 1964, p. 16.
2. LARKIN, Philip. Required Writing; Miscellaneous Pieces 1955-1982. Londres: Faber, 1983, p. 54. Cet ouvrage sera désigné ci-après par "RW."

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Or, cette attitude trouve d'elle-même sa propre limite, car enfin, à décrire les choses, il faut bien tôt ou tard s'apercevoir qu'elles ont des ombres, et par conséquent ne sont pas aussi simples qu'elles en ont l'air.

Il est un court poème remarquable en la matière, c'est "Pigeons (3)." Les pigeons y disparaissent de la vue du poète qui les observe, avec la lumière tombante d'un jour d'hiver, puis reparaissent au clair de lune, mais sous un aspect différent, noirs comme leurs ombres. C'est donc sous cet aspect changé et indistinct qu'ils resteront couchés dans la mémoire du poème, emblème de l'apparence illusoire des choses. "Poetry is an affair of sanity, écrit Larkin, of seeing things as they are" (RW, p. 197). De même que le dernier quatrain de "Self's the Man"' (CP, pp. 117-8) - "Only l'm a better hand / At knowing what I can stand / Without them sending a van / Or I suppose I can" -, le poème "Ambulances" (CP, p. 132) formule bien cette inquiétude, jamais tout à fait oubliée chez Larkin, que cause l'immatérialité, l'inconsistance des expériences : "the solving emptiness / That lies just under all we do."

Sans doute le poème "Tops" (CP, p. 76) offre-t-il une assez bonne image de ce qui fascine Larkin: cet instant où les choses chancellent, s'altèrent à peine mais assez pour trahir leur nature ou leur état transitoire:

And what most appals
Is that tiny first shiver,
That stumble, whereby
We know beyond doubt
They have almost run out
And are standing to die.

C'est à la même réalité, mais sous un aspect différent, que fait référence "And the wave sings because it is moving" (CP, p. 6). Le chancellement de la toupie, comme le chant de la vague, dénoncent leur soumission au temps, leur éphémérité, que seule une illusion d'optique peut permettre d'oublier un instant

Ainsi, la photographie, qui ne donne des choses qu'une ombre portée, plus encore qu'une autre forme de représentation, rend tangible la distance entre les choses et ce qu'on en voit.

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3. LARKIN, Philip. Collected Poems. 1988. London: Faber, 1990, p. 109. Ouvrage désigné ci-après par "CP."

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Dans "Lines on a Young Lady's Photograph Album" (CP, p. 71), la photographie, pour être trop fidèle, fait ressentir l'absence à l'excès:

It leaves us free to cry. We know what was
Won't call on us to jusfify
Our grief, however hard we yowl across
The gap from eye to page.

Cette distance criante que souligne l'apparente proximité de l'image photographique se trouve admirablement résumée en un seul mot dans "Whatever happened" (CP, p. 74) : "All's kodak-distant." Au contraire, ce qui compte le plus dans le rapport qu'un poème de Larkin entretient à la réalité, c'est ce que Barthes appelait "le punctum d'une photo, c'est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi me meurtrit, me poigne)."

Il convient assez bien de lui appliquer à lui-même ce que Larkin a écrit de Betjeman et de Hardy, à savoir que ce qui compte pour ces poètes ce sont moins les choses en elles-mêmes que la patine des choses.

Betjeman is a true heir of Thomas Hardy, who found clouds, mists and mountains "unimportant beside the wear on a threshold, or the print of a hand": his poems are about the threshold, but it and they would be nothing without the wear. (RW, p. 21 1)

La patine, l'usure est ce détail de l'aspect des choses qui, comme leur ombre, les inscrit dans le temps et dénonce leur nature transitoire. Comme le premier chancellement de la toupie qui annonce sa mort, l'usure du seuil marque son passé et annonce sa disparition. Les ombres des choses, leurs vacillements, leurs patines fascinent Larkin en cela, sans doute, qu'elles préfigurent l'inéluctable approche de la grande ombre qui pèse sur toute son oeuvre, et qu'il semble souvent s'efforcer de ne pas trop nommer, comme pour la maintenir hors champs: "the only end of age."

En un sens, l'insistance du poète sur l'éphémérité des choses est à considérer de pair avec son propos d'écrire pour conserver :

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4. BARTHES, Roland. La chambre claire. Notes sur la photographie. Paris: Seuil, 1980, p. 49.

 

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I write about experiences, often quite simple, everyday experiences which somehow acquire some sort of special meaning for me, and I write poems about them to preserve them. You see, I want to express the experience in a poem so that it remains preserved, unchanging; and I then hope that other people will come upon this experience, pickled as it were in verse, and it will mean something to them, sound some chord in their own recollection, perhaps, or show them something famihar in a new light. (5)

Certes, le désir de préserver peut participer de la même impulsion qui génère un intérêt parfois voisin de la morbidité pour la mortalité des choses. Sans doute est-ce cet aspect bien particulier, ce ton inégalable, qui fait dire à Calvin Bedient que les mots de Larkin ont trempé longtemps dans un vinaigre qui dissout l'illusion : "Indeed, they [Larkin's words] seem to have soaked a long age in a vinegar that dissolves illusions (6)."

Mais en même temps, comment ne pas percevoir qu'il y a là une contradiction fondamentale, car enfin si les choses sont d'apparence transitoire, comment espérer en conserver autre chose qu'une coque vide ? Il est certains textes par lesquels cette tension est mémorablement capturée. Ainsi, par exemple, "An April Sunday brings the snow" (CP, p. 21) est un poème qui décrit un instant où l'éphémérité des choses est perçue vivement. Ce n'est pas étrange que le texte mette en parallèle l'activité de conservation, ici métaphorisée par les confitures qu'a faites une autre personne, aujourd'hui absente, en une autre saison. Ces conserves sont la face consciente et voulue de l'activité poétique de Larkin. Or, si les choses ne sont pas ce qu'elles semblaient pourtant bien être, alors la poésie conservatoire tend à perdre son fondement, même si, pourtant, elle permet bien d'articuler un peu les saisons passées aux saisons à venir. Toute la force de ce poème réside sans doute dans le pathos de ce sentiment : "Behind the glass, under the cellophane, / Remains your final summer-sweet / And meaningless, and not to come again."

Dans "Mr Bleaney" (CP, p. 102-3), il est possible de sentir une vibration comparable. Les choses sont imprimées, imprégnées de la présence et de l'absence d'autrui. Les objets familiers de Mr Bleaney, patinés par son quotidien, sont comme une surface de son être, une mue qu'il a maintenant laissée. Ainsi en va-t-il des mots qui le mentionnent dans les conversations, qui se trouvent inscrits comme par collage dans le poème, et que Larkin

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5. LARKIN, Philip. "Speaking of Writing XIII: Philip Larkin." The Times, février 1964, p. 16.
6. BEDIENT, Calvin. Eight Contemporary Poets. Londres: Oxford University Press, 1974, p. 79.

 

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lisait avec un infime et pourtant fort perceptible changement d'intonation: "Mr Bleaney took my bit of garden properly in hand (7)." L'important est le surgissement bref et voilé de la voix propre du poète avec cette crainte - "dread" - qu'inspire ce fantasme de l'adéquation de soi - "our own nature" - aux choses du quotidien - "how we live measures our own nature." C'est l'angoisse du matérialiste lorsque soudain il voudrait bien pouvoir ne pas l'être. "Home", cette extension matérielle de soi, où il est possible et parfois confortable de se rêver intégral et autarcique, devient soudain insupportable et, comme dans "Poetry of Departures" (CP, p. 85-6), donne lieu à un soudain renversement des valeurs usuelles:

We all hate home
And having to be there:
I detest my room,
Its specially-chosen junk.

Ce poème dit l'envers de la solitude chérie de Larkin, il évoque le dégoût que le poète finit par ressentir pour cet îlot d'autosuffisance qu'il glorifiait dans "Best Society" (CP, p. 56). "Uncontradicting solitude" est ici devenue d'un ennui tout égal. Et cette "Poetry of Departures" est tout le contraire de la "poésie de départs" qu'évoque Louis MacNeice dans "Letter to Graham and Anna" : (8) chez Larkin, c'est la poésie de départs jamais pris.

Dans ces moments-là, le discours extra-poétique et la poésie de conservation qu'il cautionne se trouvent contredits, et ces surgissements d'affects dans un océan de retenue engourdie sont peut-être pour quelque chose dans ce que la voix si particulière de Larkin a d'attachant. À l'envers de ce que ses discours non poétiques professent, le vrai désir du poète semble bien plutôt être dirigé vers cette face cachée de ses vocables policés. La chape lourde de la dépression n'est là que par la force des choses, et le poète ne l'accepte, comme il prend le crapaud travail par la main ("Give me your arm, old toad, / Help me down Cemetery Road" - p. 148), qu'avec la force du désespoir: "Ah, were I courageous enough / To shout Stuff your pension!" (CP, p. 89)

Larkin poète est un peu cet homme qui arpente le quai de la gare dans "One man walking a

deserted platform" (CP, p. 293), où le noir est le lieu riche des rêves, le lieu fertile de

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7. LARKIN, Philip. Phlip Larkin reads "The Whitsun Weddings." 20, 27 septembre 1964. 'Listen cassettes': The Marvell Press, 1965.
8. MACNEICE, Louis. Collected Poems. Londres: Faber, 1966, p. 68. 

  

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l'inspiration, qui s'oppose à la stérilité des choses diurnes, qui au mieux font l'objet de belles descriptions taxidermiques désespérées.

 La voix poétique de Larkin a ceci de particulier, et de contradictoire pour un conservateur qui pourrait affirmer des vérités en historien, qu'elle s'efface, parfois même s'excuse. Il est remarquable que Larkin n'affirme jamais rien inconditionnellement, même - et peut-être surtout - lorsqu'il assène quelque formule mémorable en conclusion d'un poème. Larkin hésite, de manière caractéristique, à l'instant même où il tente d'établir "a direct relation with the reading public" (RW, p. 217). Ainsi, dans "An Arundel Tomb" (CP, p. 110-111), l'un de ses vers apparemment les mieux taillés pour la postérité - "What will survive of us is love" - est mis en question dans le même instant qu'il l'affirme:

Time has transfigured them into
Untruth. The stone fidelity
They hardly meant has come to be
Their final blazon, and to prove
Our almost-instinct almost true:
What will survive of us is love.

C'est une attitude comparable qui se retrouve, mais dans une forme extrême, avec l'envoi de "A Study of Reading Habits" (CP, p. 131), un de ces textes de dépit où Larkin se retourne contre ce qu'il a de plus cher: "Get stewed: / Books are a load of crap."

Les gros mots qui viennent soudain démolir tout un patient travail de politesse, trahissent la présence, jamais très loin de la surface, d'une des émotions les plus fortement exprimées chez Larkin: l'agacement.

Mais encore ces instants où Larkin paraît brusquement laisser tomber le masque expriment-ils tout autant ce doute qui mine tôt ou tard toutes ses tentatives de conviction. C'est sans doute là que réside, d'ailleurs, l'humour de Larkin, qui a cela de bien particulier qu'il est rarement visible. Il est rarement drôle d'une autre manière que lorsqu'il dit : "Actually, I like to think of myself as quite funny, and I hope this comes through in my writing" (RW, p. 47).

 

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Il est un texte où se trouve admirablement mis en scène le conflit parfois stérilisant de la voix de Larkin avec son ombre. "Sad-Steps" (CP, p. 169) fait partie d'une brève série de textes de Larkin qui sont des poèmes de nuit. L'aspect modifié que donne aux choses l'absence ou le changement de lumière semble d'abord devoir être l'occasion d'une révélation. Ici, quatre vers au moins paraissent annoncer cela:

I part thick , and am startled by
The rapid clouds, the moon's cleanliness.
Four o'clock: wedge-shadowed gardens lie
Under a cavernous, a wind-picked sky.

C'est comme le départ d'une inspiration qui pourrait aisément se faire romantique. L'allure étrange des éléments d'un paysage ordinaire pourrait déclencher une rêverie inspirée. Mais au lieu de cela, le poète s'empresse de contenir cet élan. Et ce texte se construit alors par la dialectique d'une amorce d'inspiration et de la sape qui s'y oppose immédiatement. Ces quatre vers sont encadrés de remarques contextuelles qui en détruisent l'effet par l'apposition contrastante d'une situation trop prosaïque: "Groping back to bed after a piss ... / There's something laughable about this."

Des tentatives d'effort lyriques sont faites ensuite, mais par moquerie, de façon outrée et ridicule: "Iozenge of love! Medallion of art! / 0 wolves of memory! Immensements! No, / One shivers slightly, looking up there." Et la conclusion, peu convaincante, semble indiquer qu'il s'agit là d'un poème cassé.

De même que Larkin écrit une poésie appuyée sur les choses, tout en émettant un doute constant quant à leur matérialité, sa voix, et par extension sa persona dans ses poèmes est parfois si diaphane qu'elle semble n'être que l'ombre d'elle-même. Les textes dans lesquels cela se ressent le plus nettement sont de petits poèmes comme "Absences" (CP, p. 49), qui contient ce vers remarquable et souvent remarqué: "Such attics cleared of me! Such absences!"

 

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Le syndrome de Jill

Il arrive que Larkin poète projette dans ses poèmes comme une ombre portée de sa persona rationaliste et polie, au point même de produire un texte aussi détonnant que "Midwinter Waking" (CP, p. 87), qui est un rare anti-poème de Larkin, au sens que c'est un poème de facture quasi moderne, qui fait figure de demi-réveil du poète hibernant. Mais plus encore que du poète lui-même, c'est son "home", ce chez soi bien clos dont il imagine parfois que la nation anglaise est la formule développée, qui trouve dans ses poèmes des reflets en négatif. Au niveau individuel, c'est sa répulsion et sa défiance pour les autres : "Other people are Hell (I have never seen why Sartre should have been praised for inverting and falsifying this truism)" (RW, p. 118). À l'échelle nationale, c'est ce qu'il appelle sa haine de l'étranger - "my hatred of abroad" (RW, p. 47). L'ombre à ce tableau naïf apparaît le mieux, d'abord, dans "The Importance of Elsewhere" (CP, p. 104): "Here no elsewhere underwrites my existence." Et à l'inverse, dans "The Card-Players" (CP, p. 177), des étrangers, dont les noms, sous leur orthographe hollandaise fantaisiste, sonnent bien anglais - "Jan van Hogspeuw", "Dirk Dogstoerd", "Old Prijk" - forment une image caricaturale du "home" comme vu de l'extérieur, caverne d'illusions abritant une paix bestiale.

Certains textes encore invoquent l'opposé du célibat larkinien, comme "Breadfruit" (CP, p.141), ou "Afternoons" (CP, p. 121). Mariage et vie conjugale, qui sont comme une ombre de l'existence que le poète s'est choisie, y apparaissent comme une tentation ou un regret sans cesse renouvelés et toujours repoussés. Or c'est dans cette ligne-là, qui se repère comme un filon tout au long des Collected Poems, de traces ou d'intuitions de la vie que le poète n'a pas eue venant hanter le quotidien de son écriture, que les poèmes de Larkin accèdent à la grandeur des textes écrits par nécessité. De manière caractéristique, ce n'est jamais sans cet humour pudique qui lui est propre que Larkin aborde prudemment - "Like a sea-anemone / Or simple snail" (CP, p. 57) - ces sujets qui lui sont intimement essentiels.

Un bon exemple et de cet humour discret et de l'intime préoccupation qu'il aide un peu à aborder se trouve fourni par le poème "Wild Oats" (CP, p. 143). Ici, cette fille parfaite et hors d'atteinte, qui pourrait bien se nommer Jill, est dédoublée en une laide et une belle, et se trouve en fin de compte doublement éloignée : il n'en reste que la photo d'une rose.

Well, useful to get that learnt.
In my wallet are still two snaps

 

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Of bosomy rose with fur gloves on.
Unlucky charms, perhaps.

De par son titre ce texte reprend un motif déjà relevé : à la poésie de départs jamais pris, succède la poésie de la gourme jamais jetée. Mais de surcroît, il apparaît ici assez clairement que ce qui interdit l'assouvissement du désir, c'est la beauté. La raison pour laquelle Larkin est un poète qui craint les fleurs - "And fear are flowers, and flowers are generation" (CP, p. 14) - n'est peut-être pas tant qu'elles sont périssables, mais bien plutôt qu'elles sont trop belles. Il y a chez lui à un point dramatique ce verrouillage entre le désir et son ombre interdisante, qui fait qu'il le désire et se le refuse en même temps. Cela illustre comme maint autre exemple "the dilemma he expériences of yearning for transcendence - or union with something outside himself - and yet being denied it ( 9)."

C'est cette même tension que met encore en scène, quoique avec un humour plus gras, "Sunny Prestatyn" (CP, p. 149), qui affiche encore, mais en plus grand que nature, et en bien faux cette fois-ci, cette image féminine idéale, "the girl on the poster." Les obscénités qui fleurissent bientôt sur l'affiche, expression d'une volonté de détruire l'objet du désir en l'avilissant, sont sans doute à rapprocher du comportement inepte de John à l'égard de Jill à la fin du roman. "Essenfial beauty" (CP, pp. 144-5) présente encore une version du monde imaginaire, celui de la publicité, en particulier la publicité iconographique, et l'oppose à celui, beaucoup moins net et moins brillant, de la réalité quotidienne, monde que hante la mort, cette "unfocused she." Ce monde imaginaire est celui de Jill et des fantasmes, et cette "elle floue" est une représentation de l'impossible objet du désir, très tôt identifiée et ressentie comme mortifère, dans "Deep Analysis" (CP, p. 4).

 Il n'y aurait là, après tout, rien que de très ordinaire, si ces projections , et destructions imaginaires d'un objet désiré ne ressemblaient chez Larkin à quelque chose comme le support d'une structure mentale schizoïde. "Deep Analysis" est, dans Collecied Poems, le premier d'une série limitée de textes ayant une femme pour narratrice. Sur le même modèle, se trouvent encore "Wedding-Wind" (CP, p. 11). Et puis, chose plus inquiétante, il y a "I see a girl dragged by the wrists" (CP, pp. 278-9), qui a cette étrange particularité que le poète y jalouse ce double féminin martyrisé, et voudrait se trouver à sa place. "So 1 walk on.

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9. ROSSEN, Janice. Philip Larkin: His Life's Work, 1989. Hemel Hempstead: Harvester Wheatsheaf, 1993, p. 27.

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Perhaps what I desired That long and sickly hope, someday to be / As she is - gave a flicker and expired" (CP, p. 278).

Ce qu'il y a de troublant dans Jill, ce roman dont Larkin souligne lui-même la forte dimension autobiographique, c'est que le narrateur s'y dédouble littéralement en Jill, et le récit y glisse vers la rédaction du journal de Jill par John. L'image y révèle à l'usage sa nature hallucinatoire : "He had not moved one inch nearer creating an independent Jill; all he had done was to model himself on her image. And doing so had pushed the image from his mind (10)."

La nature ambiguë des sentiments que le poète exprime de manière récurrente envers des figures féminines jamais très différentes les unes des autres est à considérer comme un "syndrome de Jill", attitude compulsive envers une image identifiée comme le double immaîtrisé et effrayant du poète. Sa nature elle-même duelle et difficile à localiser avec certitude, d'une entité frontière entre rêve et réalité, est représentée par l'image principale de "Mythological Introduction" (CP, p. 268), qui montre cette "bubble of the air" pourtant bien à demi dévorée par la terre : "And the webbed earth where she had lain / Had eaten away her side."

"Deep Analysis" (CP, p. 4) donne une version sombre de la Doppelgängerin Jill, qui est là une personnification de forces inconscientes repoussées qui demande : "Why would you never relax, except for sleep, / Face turned at the wall, / Denying the downlands, wheat, and the white sheep?" C'est la Vénus d'Adonis, et comme dans le mythe et le poème de Shakespeare, c'est aussi un masque plaisant de la mort, qui désire faire du corps du poète sa chose, et en jouir comme d'une dépouille de guerrier homérique vaincu :

Your body sharpened against me, vigilant
Watchful, when all I meant
Was to make it bright, that it might stand
Burnished before my tent?

La poésie de Larkin peut sans doute se lire en bien des cas comme l'impossible joute amoureuse avec cette beauté ténébreuse. Toujours est-il que ce personnage et cette image servent à définir une zone d'ombre vis à vis de laquelle le poète n'en finit pas de replacer sa voix.

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10. LARKIN, Philip. Jill. 1946. London: Faber, 1985, p. 152.

 

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"The bracken where 1 never trembling sat," ou l'absence du bois sacré

Il est assez indéniable que Larkin est un matérialiste, et il l'est même avec une évidence si insistante qu'elle peut parfois paraître suspecte. "I can only say I dread endless extinction" (RW, p. 55). Voilà ce à quoi semble se résumer sa métaphysique. Il semble bien qu'il n'y ait pas pour lui d'autre réalité que celle du monde, et de la mort qui y règne sans conteste aucun : "There is an evening coming in / Across the fields, one never seen before, / That lights no lamps." Cette première strophe de "Going" (CP, p. 3) donne le la de toute la poésie de Larkin, chant d'un monde écrasé par la perspective de la mort comme seul horizon inévitable. C'est là une très pessimiste vision des choses que Larkin semble ne pouvoir décidément pas éviter.

Larkin has looked for his values to the past and the customs deriving from it, seeing in the present only the irreversible recession of all innocence, worth and sweetness from human living, and in the future nothing more than a process of unbearable decline and death, to be faced and defined with unflinching precision. (11)

Mais en même temps, c'est une position dont il force le trait, et à laquelle il se contraint manifestement de se tenir, comme si l'illusion qui consisterait à vouloir d'une manière ou d'une autre s'en consoler ne pouvait être que décevante et pire encore que ce désespoir-ci. Cette circonspection émotionnelle, "The 'emotional wariness', écrit Anthony Thwaite, can in some poems be defined as an agnostic stoicism (12)." Le mot est juste : c'est bien un stoïcisme agnostique que ce matérialisme militant de Larkin. L'image de la vague dans "And the wave sings because it is moving" (CP, p. 6) dit bien le désespoir avec lequel il considère cette existence comme une prison sans sursis, condition naturelle dont vie et mort font partie comme le jour et la nuit : "Death is a cloud alone in the sky with the sun. / Our hearts, turning like fish in the green wave, / Grow quiet in its shadow."

Larkin ne souscrit absolument pas à l'éternel retour, mais perçoit, sous le "yearly trick of looking new" (CP, p. 166) de la nature, sa soumission de fait au temps linéaire et à la mort. Et s'il est un au-delà, il ne peut être que vide, comme le disent, dans "Midsummer Night, 1940"

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11. BROWNJOHN, Alan. Philip Larkin. Londres: Longman, 1975, p. 32.
12. THWAITE, Anthony. "The Poetry of Philip Larkin," in DODSWORTH, Martin, dir. The Survival of Poetry. Londres: Faber, 1970 (pp. 37-55), p. 45.

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(CP, p. 244-5), "The angels yawning in an empty heaven." Cependant, pour être plus exact, conviendrait-il de dire "il faut" que les cieux soient vides, car jusque dans cette question-là, il n'y a chez Larkin point d'aveugle certitude. Ce doute s'exprime le mieux dans "The Wmter Palace" (CP, p. 21 1): "Then there will be nothing I know"- il n'y aura rien que je sache.

Larkin est agnostique et non pas athée. Et tout comme sa probité intellectuelle le contraint à noter que les choses ont des ombres et que leurs surfaces sont fuyantes, son matérialisme aussi comporte une face cachée, qui n'est peut-être pas la moins intéressante. Andrew Motion le pressent bien, qui écrit :

Although Larkin admits he cannot alter time's intransigence, let alone escape the fact of mortality, his poems are very far from being records of passive suffering. His response is certainly not Yeats's heroic struggle to rise above time, but neither is it Hardy's shoulder-shrugging acceptance of fate. (13)

Pour bien comprendre, il faut relire encore une fois "Going" (Collecied Poems 3) et s'arrêter à ces trois vers surprenants: "Where has the tree gone that locked / Earth to the sky? What is under my hands, / That I cannot feel?"

Il faut y entendre une autre version de la notion d'engourdissement ("numbness") qu'a relevée Alvarez. (14) Ce n'est plus la volonté de se prémunir et de se protéger contre les émotions ressenties comme trop incontrôlables et globalement néfastes à l'humain. C'est au contraire le constat et le regret d'un défaut de perception et de connaissance. Il y a ici-bas des choses que je ne peux pas sentir, et pourtant je sais leur présence. L'allusion à l'Yggdrasil, ou à l'arbre qui symbolise l'axe organisateur du monde dans certaines religions païennes, revient ici à une interrogation quant à une dimension métaphysique perdue. Cette dimension, toutefois, existe vivement, manifestée par son absence, présente par défaut.

 Non seulement le monde de Larkin n'est pas un "Waste Land" seulement hanté par quelques fantasmes, (15) un monde de surfaces parfois trompeuses, mais au contraire il se pourrait bien

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13. MOTION, Andrew. Phlip Larkin 1982. New York: Methuen, 1986, p. 70.
14. ALVAREZ, Alfred. The New Poetry. 1962. Harmondsworth: Penguin, 1968.
15. Cf. FALCK, Colin. "Philip Larkin" in HAMILTON, Ian, dir. The Modern Poet: Essays from 'The Review' Londres: Macdonald, 1968.

 

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que les ombres qui s'y peuvent apercevoir, c'est-à-dire les profondeurs que quelques intuitions ça et là révèlent soient la source de ses poèmes les meilleurs et les plus célèbres. Il est tout de même étrange de noter que c'est dans le même instant où il dénigre tout espèce de mystère ou de "myth-kitty", qu'il affirme sa conviction que les poèmes s'écrivent sous la dictée ou l'impulsion de forces inconscientes :

The days when one could claim to be priest of a mystery are gone: today mystery means either ignorance or hokum, neither fashionable qualities. Yet writing a poem is still not an act of the will. The distinction between subjects is not an act of the will. Whatever makes a poem successful is not an act of the will. In consequence, the poems that actually get written may seem trivial or unedifying, compared with those that don't. But the poems that get written, even if they do not please the will, evidendy please that mysterious something that one has to please. (RW, p. 83-84)

Demande-t-on le corrélatif poétique de cette assertion discursive au ton bien assuré? On le trouve sans trop chercher, par exemple dans le poème "Ignorance" (CP, p. 107) : "for our flesh / Surrounds us with its own decisions." Inquiétante étrangeté, qui fait que les choses matérielles - la chair - sont investies d'une autonomie, d'une manière de volonté propre, ou de sapience autonome qui suivrait son propre déterminisme. On le trouve encore dans ces vers de "Dockery and Son" (CP, p. 152) qui comptent au nombre de ceux qui resteront attachés au nom même de Larkin :

Life is first boredom, then fear.
Whether or not we use it, it goes,
And leaves what something hidden from us chose,
And age, and then the only end of age.

"What something hidden from us chose" sonne comme une étrange conviction intime.

L'examen rapide du texte de deux de ces mégalithes de la gloire poétique de Larkin que sont "Church Going" et "The Whitsun Weddings" suffira à montrer que la zone d'ombre en question n'est pas à la périphérie de l'oeuvre, mais bien articulée à ce qui la motive et la génère. Le titre "Church Going" (CP, p. 97) est bien sûr à comprendre dans deux sens : aller à l'église, et l'église s'en va. Doublement, c'est-à-dire dans les deux sens, le rapport du poète à son sujet est d'ironie et de dérision. Or, sous son matérialisme velléitaire, insiste comme une crainte sacrée : "Once I am sure there's nothing going on", la certitude

 

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est donc toujours mal assurée et ici, dans l'église, la voix du poète prend une qualité qu'il ne maîtrise plus, et l'écho lui renvoie sa propre dérision :

Mounting the lectern, I peruse a few
Hectoring large-scale verses, and pronounce
'Here endeth' much more loudly than I'd meant.
The echoes snigger briefly. Back at the door
I sign the book, donate an Irish sixpence,
Reflect the place was not worth stopping for.
Yet stop I did: in fact I often do,
And always end much at a loss like this.

"Church Going", texte d'une longueur rare, est un disert questionnement sur un lieu sacré, une insistance à dire le scepticisme du poète mais aussi, et en même temps, une surprise inélucidée devant l'émotion sourde, l'attirance, voire la révérence compulsive que ces lieux exercent sur son esprit. C'est comme la reconnaissance implicite de la nécessaire persistance d'une dimension sacrée impérissable. Cette dimension-là n'est peut-être qu'une survivance du passé : "the ghostly silt", un limon fantomatique illusoire, mais pourtant bien terre à terre. La perspective même que dans l'avenir le passant évitera les églises alors complètement désaffectées comme autant de lieux de mauvais augure, cela indique l'impossibilité d'un départ pour un monde entièrement profane. "The Whitsun Weddings" (CP, p. 114-116), les mariages de la Pentecôte, comme son titre l'indique, est une évocation poétique réussie de la rencontre avec un événement (CP, p. 115) qui est encore le surgissement d'une dimension étrangère au quotidien. Cet événement est une réalité sociale et non naturelle, mais se manifeste pourtant comme survenant du monde. Or, il se manifeste précisément comme venant de l'ombre, que le soleil, éblouissant, masquait: "sun destroys / The interest of what's happening in the shade" (CP, p. 114). Mieux encore, cet événement arrive, avec insistance, de l'extérieur au monde familier du poète : And down the long cool platforms whoops and skirls / I took for porters larking with the mails, / And went on reading." (Même si, pourtant, c'est une lettre inconsciemment adressée à Mr Larking.) Le poème peut dès lors être considéré comme une lecture continuée - "And went on reading" - de ce qui se présente tout d'abord comme une rupture avec l'ordinaire. Cette révélation, affublée des habits voyants et des cotillons de sa traduction sociologique, vient inséminer le quotidien littéraire et routinier du poète, à la manière d'une pluie tombée ailleurs, hors du champ de sa vision directe :

 

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"like an arrow-shower Sent out of sight, somewhere becoming rain." Fête sexuelle, rite de la fécondité, explosion d'émotions difficiles à contenir, les mariages de la Pentecôte viennent insuffler un esprit puissant à la poésie de Larkin. Ce qui compte ici ce ne sont pas tellement les choses, mais leur ombre, cette blessure religieuse - "a religions wounding" - qu'elles servent à traduire. Il est remarquable enfin que le poème se présente comme un point où le ciel et la terre se rencontrent, ici par le truchement de la rivière : "The river's level drifting breadth began, / Where sky and Lincolnshire and water meet." C'est, d'une certaine manière, une réponse à la question posée dans "Going" (CP, p. 3) : "Where has the tree gone that locked Earth to the sky? What is under my hands, That I cannot feel?"

Let it stay hidden there like strength, below
Sale-bills and swindling; something people do,
Not noticing how time's rolling smithy-smoke
Shadows much greater gestures; something they share
That breaks ancestrally each year into
Regenerate union. Let it always be there.

Dans "Show Saturday" (CP, pp. 199-201) c'est la fiesta, le temps de la fête, qui est comme une autre dimension, existant en parallèle au temps linéaire de l'histoire. C'est une dimension sous-jacente, cachée le plus souvent, mais perpétuellement présente. C'est un "Shadow time", un temps fantôme. Et c'est dans cette dimension que, chez Larldn, il faut situer certaines valeurs - mal assurées peut-être mais récurrentes dans sa poésie : "people", les gens, "home", le sentiment d'appartenance à l'Angleterre, etc. C'est cela, peut-être, qui lui valut l'appellation de "lauréat officieux" - "Philip Larkin, écrivait Donald Davie, is for good or ill the effective unofficial laureate of post-1945 England."

 Cette problématique de l'ombre, pourtant finit par orienter les poèmes de Larkin vers un idéal qui n'est pas celui qu'il semblait tout d'abord prêcher, comme si son désir vrai se trouvait, quoique non pas forcément à son insu, à l'opposé de ses aspirations conscientes et avouées. Pour poser cela en des termes bien repérables, il convient de noter la présence contiguë de deux paradis dans les poèmes de Larkin :

When I see a couple of kids
And guess he's fucking her and she's

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Taking pills or wearing a diaphragm,
I know this is paradise
...
Rather than words comes the thought of high windows:
The sun-comprehending glass,
And beyond it, the deep blue air, that shows
Nothing, and is nowhere, and is endless.

Ces Hautes Fenêtres (CP, p. 165) font une évocation du paradis, mais d'un paradis mauvais, un paradis qui n'est pas celui des rêves du poète, mais se présente comme un ailleurs, un extérieur, du point de vue d'un poète qui s'envisage assis à sa table, à l'intérieur de sa chambre ou de son étude, sous sa lampe. Ce paradis est deux fois étranger à son monde, d'abord parce qu'il est de l'autre côté des fenêtres, ensuite parce que ces fenêtres sont hautes, et donc inaccessibles comme celles des prisons.

Or, il faut lire "High Wmdows" en parallèle avec "At the chiming of light upon sleep" (CP, p. 14), car ces textes offrent deux visions opposées du paradis : une bonne et une mauvaise. "At the chiming of light upon sleep" présente le souvenir d'un sombre paradis perdu par la lumière. "High Windows" suggère celle d'un paradis lumineux mais peu plaisant.

... Unsheath
The life you carry and die, cries the cock
On the crest of the sun: unlock
The words and seeds that drove
Adam out of his undeciduous grove.

Ce bosquet d'Adam, c'est encore "The bracken where I never trembling sat"(CP, p. 81), qui n'est pas tant cette bruyère où jamais je ne fus, tremblant, que l'ombre paisible de celle où je fus (jadis, avant l'aube, avant la génération), ne tremblant jamais - "Nothing in such a sanctuary could be lost. / And yet, there were no flowers" (CP, p. 14). Pour bien comprendre, il faut encore rapprocher "High Windows" de "Deceptions" (CP, p. 32). La lumière de ce paradis-là est chez Larkin comme la lueur d'un lamparo pour ces poissons de la vague que nous sommes. Les hautes fenêtres de "High Windows" sont celles de la mansarde désolée de la satisfaction - "fulfilment's desolate attic" - monde diurne que déserte le désir, resté engourdi dans "the deep / Tarn, the hardly-stirring spring / Where memory changes to prefiguring" (CP, p. 14).

 

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"The longer one goes on, though, écrivit Larkin, the more one feels that some subjects are more poetic than others" (EW, p. 83). Et de fait les choses qui le fascinent le plus sont celles dont la nature ou l'apparence éphémère et inconsistante trahit la mort inéluctable, voire le peu d'existence. Telle toupie qui vacille, telle vague douée de mouvement pour quelques secondes encore sont des sujets de prédilection pour sa poésie de conservation. Et les vers qui les immortalisent un peu sont eux-mêmes écrits d'une voix qui signe en s'effaçant et s'oublie pour mieux tenter de se définir. De même, valeurs éthiques et objets de désir trouvent dans leurs négatifs quelques-unes de leurs plus solides définitions. Et le poète, comme avec Jill, se fait serviteur du simulacre comme pour mieux en dissiper le mirage. Pourtant, même le matérialisme de Larkin s'articule forcément à son envers troublant. Et c'est en proportion égale aux efforts qu'il fait en direction de la vérité que son inspiration provient des zones cachées de la conscience. Contrairement à l'idée que favorise leur apparence première bien tenue, les poèmes de Larkin montrent à l'oeuvre un battement entre le clair aspect diurne de la chair des choses et leur ectoplasmique apparence nocturne. N'est-ce pas lui le poète qui souffle le vent pour qu'il tombe, et qui chante la mort pour qu'elle cesse?

                       Mind never met
Image of death like this, and yet
(All winds crying for that unbroken field,
Day having lifted)
Black flowers burst out wherever the night has knelt. (CP, p. 3 1 1)

 

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OUVRAGES CITES

ALVAREZ, A. The New Poetry. 1962. Harmondsworth: Penguin, 1968.
BARTHES, Roland. La chambre claire. Notes sur la photographie. Paris: Seuil, 1980.
BEDIENT, Calvin. Eight Contemporary Poets. Londres: Oxford University Press, 1974.
BROWNJOHN, Alain. Philip Larkin. Londres: Longman, 1975.
FALCK, Colin. "Philip Larkin" in The Modern Poet. Essays from "The Review", dir. Ian HAMMILTON. Londres: Macdonald, 1968.
LARKIN, Philip. "Speaking of Writing XIII: Phlip Larkin." The Times, février 1964.
LARKIN, Philip. Collected Poems. 1988. London: Faber, 1990.
LARKIN, Philip. JIIL 1946. London: Faber, 1985.
LARKIN, Philip. Required Writing; Miscellaneous Pieces 1955-1982. Londres: Faber, 1983.
MOTION, Andrew. Philip Larkin. 1982. New York: Methuen, 1986.
ROSSEN, Janice. Philip Larkin: His Life's Work. 1989. Hemel Hempstead: Harvester Wheatsheaf, 1993.
THWAITE, Anthony. "The Poetry of Philip Larkin", in The Survival of Poetry, dir. Martin
DODSWORTH. Londres: Faber, 1970, p. 37-55.

 (réf.  Etudes Britanniques Contemporaines n° 3. Montpellier: Presses universitaires de Montpellier, 1994)